* having fun, playing in the mud...*
C'est ce que Chris m'a répondu lorsque je lui ai demandé ce que je foutais là avec lui en pleine forêt, au Cameroun, dans la boue, alors que j'aurais pu être chez moi, confortablement installé devant la télé... avec un grand verre de lait !
Sur la carte c'était pourtant simple. Calabar-Douala: 510km. Disons 2 jours, "on n'est pas presse".

Ceci dit on va quitter le Nigeria et ça c'est une bonne nouvelle. Un pays où le tourisme n'existe pas. Des contrôles incessants : les militaires, la police, la sécurité nationale, l'immigration,... "Quelle est votre mission au Nigeria, montrez-moi un papier qui prouve que vous avez arrêté votre profession d'architecte en Belgique (ma carte d'identité fera l'affaire), où est votre revolver... ?". A Oshogbo, dans les bureaux de la sécurité nationale, ils ont vérifié si l'on n'avait pas de micros. A Benin City, alors que Chris est resté 10 jours cloué au lit (malaria), un officier de l'immigration qui m'avait repéré dans la rue a conclu que, pour passer plus d'une semaine en ville, je ne pouvais être qu'un espion. Passeport confisqué, "suivez-moi au bureau". Le patron de l'hôtel va intervenir et après une heure de palabres je suis "libéré".
Par ailleurs, au Nigeria, pas besoin de pistes "à surprises" (cfr. Mali) pour se ramasser. A Ibadan, à l'heure de pointe, rester en selle sur la moto au sein d'une meute d'"épaves motorisées" qui se frayent un chemin à travers ce qui à une époque devaient être des routes goudronnées, tient du miracle. Me concernant, il n'a pas eu lieu. Une camionnette m'a envoyé au tapis... une meute, des cris... j'étouffe ! Rien de cassé, juste un rétroviseur en moins.
Qu'à cela ne tienne, des miracles au Nigeria, ça existe. Quelqu'un a-t'il déjà entendu parler d'un Allemand nommé Reinhard Bonnke ? Il était invité à Benin City. Pas moins d'un demi million de personnes présentes... une mer humaine. Sur le podium, là-bas tout au fond, Bonnke réalise des miracles en direct. C'est très simple, il suffit de mettre une main sur la partie malade de votre corps, sur la tête s'il y a plusieurs parties à guérir. Le lendemain j'apprendrai qu'il a fait parler une petite-fille sourde et muette, un gars en chaise roulante s'est mis à marcher... tout ça "in live". Plus tard dans la soirée, en repassant par là en taxi-mobilette, une autre mer... de chaussures ! Des milliers de chaussures jonchent le sol. Quelque chose a mal tourné... Le journal télévisé présentera 14 corps, ils ont été piétinés. On demande à la population de venir les identifier.
Ici en Afrique, la religion a pris des proportions inquiétantes. A débattre.

Bref, nous disions donc 2 jours pour atteindre Douala.
Après une trentaine de km, on s'arrête dans un petit village pour prendre un verre. Tout va bien. Sauf qu'on n'est pas à Ekang (au Nord) mais à Ikang (au Sud), que là plus loin ce n'est pas le Cameroun mais la mer et qu'on est en pleine zone militaire. Et c'est reparti ! Interrogatoire, fouille des bagages et tout le toutim. Je vais devoir traduire en anglais des extraits de mon livre journal. Vive le tourisme au Nigeria !
A midi, après avoir reçu l'aimable autorisation de quitter Ikang sur le champ, nous voila au point de départ, Calabar. Il nous reste 240km jusque Mamfe, au Cameroun, mais c'est bon... on a le temps. Les Nigérians aussi ! La valse des contrôles et autres fouilles recommence. Une dizaine de contrôles plus loin Chris aura la bonne idée de demander à un militaire de nous faire un papier certifiant que l'on a déjà été fouillé.
A 17h00, on est enfin à Ekang (160km), un petit village nigérian à la frontière camerounaise. Le bled, personne ne passe par-là. Les derniers 20km furent pénibles. La piste s'etait transformée en bourbier et j'avoue qu'un léger soupçon d'inquiétude quant à la suite des événements commençait à poindre à l'horizon. "La piste que vous venez d'emprunter ? Une autoroute à coté de ce qui vous attend au Cameroun".
On passe la nuit là. Une "chambre", une lampe à pétrole, du riz, du plantain, de l'eau (de pluie), le son des tam-tams, les lucioles, les étoiles et pour clôturer la journée... la pluie, africaine, toute la nuit.
Le lendemain matin, on entre au Cameroun. Perplexes, nous avons un peu réduit nos ambitions. Si l'on met un jour de plus pour arriver à Douala, quelle importance, "on n'est pas pressé". Aujourd'hui on se contentera d'arriver à Kumba (230km). Machines en route, salut le Nigeria et vive le Cameroun ! Il paraît qu'on y mange bien...
Seulement voila, c'est ici que Madame Aventure nous avait donné rendez-vous : "Vous vouliez voir l'Afrique à moto, des pistes africaines, de la boue, la forêt... ? Bonne route !".
Non, je n'y crois pas. Ca c'est dans les revues motos, au Zaïre ou quelque part par là, pas ici. Moi je veux juste aller à Douala. Je ne suis pas motard moi. Il se trouve que je visite l'Afrique et que je suis à moto mais il ne faut pas pousser... Sur la carte ils disaient : "Viabilité incertaine par temps de pluie. Partiellement améliorée". Par temps de pluie...
Viabilité ? Pour qui ? Un noir avec un sac de graines de cacao sur la tête, d'accord. Un 4x4, il peut oublier. Une moto, on peut l'envisager... sauf que je ne suis pas un motard et qu'il se trouve que... Bon, on y va !
Une saignée de boue à travers la forêt. Inutile d'espérer "passer à coté". La forêt dresse ses murs, c'est par-là. Chris n'a pas les pneus adéquats, il a des pneus trails et mes pneus cross, quoique plus efficaces, arrivent en bout de course. Chris s'emploie à rester sur sa moto... "splatch"... raté. Pas facile avec ses pneus. On redresse la moto... pousser, tirer, creuser, mettre des bois sous la roue... et "resplatch" et "reresplatch" et moi j'en peux plus. Trois femmes déposent leurs plateaux pour venir me tirer d'un "mauvais pas".
Vers 17h00, on arrive dans un village, Eyumojock. Crevés, couverts de boue, on a parcouru 30km en 6 heures. Bravo ! On trouve une chambre, on mange... une omelette, du plantain... Je ne sais pas si on mange bien ici, je ne sais plus. Une lampe à pétrole, deux seaux d'eau sur la tronche, peut-être qu'il y avait des lucioles, des étoiles et tout le tralala... Nous on va se coucher. Demain est un autre jour. La nuit ? Il pleut. Le lendemain, après avoir "décrotté" les motos, on se remet en route. Cette fois-ci on a compris. On ira jusque Mamfe (50km) et c'est très bien comme ca, "on n'est pas pressé".
Et "splatch"............... Ici, des camions sont passés. Bonjour les ornières ! Parfois ils laissent des trous de plus de 2 mètres de profondeur derrière eux. Il fait chaud, la forêt est dense et profonde... comme la boue. Le soleil est écrasant, l'ombre rare. La boue colle aux bottes qui pèsent plusieurs kilos. Et moi j'en peux plus. Un noir nous offre des oranges...
Et puis l'incroyable ! Devant nous, un camion. Ca fait 8 jours qu'il est en route. Il a parcouru une dizaine de km. Une quinzaine de gars travaille la piste devant lui à coups de pelles. Chaque soir ils vont dormir dans le village le plus proche. Ils estiment à un mois le temps qu'ils mettront pour arriver à Mamfe. Il leur reste une quarantaine de km... Inutile d'emprunter la piste en 4x4 ce mois-ci. Ici, à part à moto, on ne dépasse pas.
Plus loin, une côte "insurmontable". 300 mètres de galère. Une heure pour passer les deux motos. Un homme, une femme et un enfant nous aident... couverts de boue. L'homme, Thomas, nous accueille chez lui. Il habite dans le village un peu plus loin, Ayukaba, à 25km d'Eyubojock... "on n'est pas pressé". Âpres s'être lavés dans la rivière, il nous présente au chef du village. Un peu plus tard il nous offre à manger. La nuit ? Il pleut... et le toit fuite.
Le lendemain on remet ça. Thomas et un de ses amis nous accompagnent les premiers km. Et moi j'en peux plus. A bout de souffle, trop chaud, pas assez mangé... Je m'arrête. Ca tourne, plus de force, mes jambes ne me portent plus, je ne peux plus bouger les mains, j'ai du mal à parler. Hyper Ventilation ? Mes lunettes de moto étaient devant les aérations du casque. Je ne suis pas motard moi...
Le soir on atteint enfin Mamfe: 80 km en trois jours. Au total, on mettra une semaine de Calabar à Douala. Vive l'aventure !
 

-Projets :

Pour le moment, j'attends des pièces (kit pignons / chaîne et câble de frein arrière) de Suzuki Afrique du Sud. Ensuite Chris et moi aimerions passer par le Centrafrique, le Soudan (si on obtient le visa) et L'Éthiopie.

On retourne vers le désert. J'ai achète 2 bidons de 10 litres pour l'essence et je devrais pouvoir emmener 10 litres d'eau.
Je vous raconterai...
Ce sera sans doute pour l'année prochaine. Alors d'ici là:

JOYEUX NOËL ET BONNE ANNÉE À TOUS !

Encore et toujours 1000x mercis à tous ceux qui m'envoient des e-mails. Je n'ai malheureusement pas l'opportunité de vous répondre personnellement, ce sera pour plus tard. Pour ceux qui n'ont pas encore reçu l'adresse, mon beau-père a créé un site web où vous pouvez consulter quelques photos, itinéraire,... de mon voyage : http://tanguydlv.free.fr
Il n'y aura pas de photos du périple Ekang-Mamfe... trop crevés pour sortir les appareils.

A bientôt,
Tanguy

Nigeria
Cameroun